Ces dernières années, les protocoles de vaccination chez le chat ont fait l'objet de nombreuses discussions entre vétérinaires, essentiellement
en ce qui concerne les différents vaccins commercialisés par les laboratoires pharmaceutiques, leur inocuité, l'étendue et la durée de
l'immunité qu'ils procurent. En 2006, le comité consultatif de l'American Association of Feline Practitioners.
(AAFP) a émis de nouvelles recommandations de pratique vaccinale chez le chat. Les principes ont été repris par la Canadian Veterinary Medical Association (CVMA).
En 2006, l'Advisory Board on Cat Diseases (ABCD) a été créé autour d'un groupe de 17 vétérinaires de différents pays d'Europe, experts en immunologie, virologie, vaccinologie, maladies infectieuses félines. Son
but est d'étudier et d'éditer des recommandations pour la prise en charge et le contrôle des maladies infectieuses félines en Europe.
Les vaccins jouent un rôle crucial dans le contrôle des maladies infectieuses, et dans certaines circonstances, l'immunoprotection induite peut être incomplète ou variable selon les individus.
De nombreux facteurs peuvent influencer négativement la réponse immune, notamment l'âge de la primovaccination et le statut immunitaire.
La vaccination chez le chaton doit être suffisamment précoce afin de le protéger contre les premiers pathogènes
auxquels il sera exposé. Dans la plupart des cas, les anticorps maternels persistent et protègent le chaton
pendant ses 9 à 12 premières semaines de vie. L'important est de savoir quand relayer l'immunité passive
conférée par les anticorps maternels. Dans le cas où le titre d'anticorps chez la mère est bas ou le transfert des
anticorps à partir du colostrum est insuffisant, les anticorps d'origine maternelle disparaissent tôt, vers la 6ème
semaine de vie, et la réponse immune à une vaccination à cet âge sera bonne. Inversement, les chatons nés de mère
présentant des titres d'anticorps très élevés (suite à une infection naturelle, un rappel de vaccins peu avant la saillie), conservent des
anticorps à un taux protecteur pendant une durée qui peut atteindre 16 semaines, et peuvent ne pas répondre à une
vaccination trop précoce.
La présence d'anticorps maternels est une cause fréquente d'echec de la vaccination chez le chaton. Les autres
causes sont potentiellement liées au stress, sans qu'on en connaisse le véritable impact : sevrage précoce,
maladies, déséquilibre nutritionnel, exposition à un grand nombre d'agents pathogènes (refuge, chatterie à forte
densité de population).
L'existence d'une immunodépression peut compromettre la réponse à une vaccination. Il est donc essentiel de prendre en considération l'âge de l'animal, l'existence d'une infection ou de toute autre pathologie, notamment d'un immunodéficit, avant de décider d'un protocole de vaccination. Le statut FIV (Feline Immunodeficiency Virus ou virus félin du sida) et FeLV (Feline Leukemia Virus) doit être déterminé afin d'adapter le protocole.
Au Royaume-Uni, les données de pharmacovigilance montrent que le taux d'effets secondaires liés à la vaccination est plus élevé chez les chats à pédigrés, notamment chez les Burmese et les semi-longhairs (Birman et Maine Coon). Il est possible que certaines races de chat aient une sensibilité particulière vis à vis des vaccins, comme il est possible que cet effet soit lié à la fois à une couverture vaccinale plus importante chez les chats de race, et à une déclaration plus fréquente des complications par leurs propriétaires.
Les manifestations cliniques les plus fréquemment rencontrées sont de type allergique et concernent l'appareil
digestif (vomissements, diarrhée) dans 66% des cas, l'appareil respiratoire (dyspnée) dans 22% des cas, et la peau,
sous forme d'urticaire dans 12% des cas. En l'absence de traitement, les symptômes peuvent évoluer vers un tableau
d'hypotension artérielle avec collapsus cardio-vasculaire. On n'a jamais pu établir un lien entre ces réactions
anaphylactiques et une marque et/ou un type de vaccin.
Chez le chat aux antécédents d'allergie associée à la vaccination, la balance avantages/risques doit être appréciée
avant revaccination. En principe, on ne revaccine jamais avec le même produit. Il peut être utile de doser
préalablement le titre d'anticorps sériques; et si la décision de revacciner est prise, il est recommandé
d'injecter une seule valence à la fois, avec un intervalle de 3 semaines entre chaque valence, et, en fonction de
la gravité des complications antérieures, l'administration d'antihistaminiques et de corticostéroïdes associée à une surveillance
en clinique vétérinaire.
La responsabilité de certains vaccins dans l'étiopathogénie des sarcomes félins est maintenant admise. L'incidence des fibrosarcomes associés aux vaccins varie, selon les études, de 1/2 000 à 1/10 000 chats vaccinés.
La première communication scientifique proposant cette association remonte à 1991. A la fin des années 90, les données
épidémiologiques publiées aux Etats-Unis montrèrent une forte association entre l'administration des vaccins à
virus inactivé contre la leucose féline et la rage, et l'apparition de fibrosarcome au point d'injection de ces
vaccins.
L'augmentation de la prévalence des fibrosarcomes félins s'est faite parallèlement à l'introduction, en 1985, de
deux nouveaux vaccins à virus tués, adjuvantés par les sels d'aluminium, contre la rage et le FeLV.
Les réactions inflammatoires produites par les dépôts d'adjuvant au site d'injection serait la cause communément admise de
développement de ces lésions, bien que l'on ait observé des sarcomes avec des vaccins non adjuvantés, ou au point
d'injection d'autres substances (antibiotiques). Toute irritation, inflammation, cicatrisation pourrait être le
promoteur de ces tumeurs.
En pratique, les vaccins injectables sont contre-indiqués chez les chats ayant développé un sarcome aux points
d'injection de vaccin.
Les protocoles de vaccination recommandés par l'AAFP et l''ABCD sont concordants, leur objectif étant d'assurer au chat une protection optimale contre certaines maladies infectieuses transmissibles au taux de mortalité élevé, adaptée à son style de vie.
- Primovaccination du chaton
Les comités consultatifs d'experts recommandent que tous les chatons reçoivent les vaccins dits essentiels (core vaccines) protégeant de
la panleucopénie, la rhinotrachéite, la calicivirose, la rage (selon la législation en vigeur, ou le style de vie de l'animal) plus celui contre la leucose. La règle générale est de donner une première dose entre 8 et 9 semaines, puis une dose tous les 3
à 4 semaines jusqu'à l'âge de 16 semaines (AAFP), ou une seconde dose 3 à 4 semaines plus tard suivie d'une troisième dose uniquement chez les chatons à haut risque d'infection (ABCD) .
- Primovaccination du chat âgé de plus de 16 semaines
Une seule dose de vaccin à agent vivant atténué serait suffisante en théorie.
Cependant, le groupe consultatif de l'AAFP recommande 2 doses de vaccin à agent inactivé ou vivant atténué,
administrées à 3 ou 4 semaines d'intervalle, jamais à moins de 2 semaines d'intervalle.
- Rappels
Pour tous les vaccins essentiels, l'AAFP et l'ABCD recommandent un premier rappel un an après la dernière injection de la première série, afin de fixer l'immunité.
Au delà, ils conseillent un rappel tous les 3 ans, sauf pour la rhinotrachéite (Herpèsvirus félin) où l'ABCD recommande un rappel annuel pour les sujets à haut risque (pension féline,
reproducteurs).
Pour le vaccin contre la leucose féline, l'ABCD et l'AAFP conseillent un rappel tous les ans, uniquement pour les chats à risque, et quand les sujets atteignent l'âge de 4 ans,
l'ABCD préconise un rappel tous les 2/3 ans.
Dans tous les cas, les rappels ultérieurs sont fonction des facteurs de risque d'exposition et donc du mode de vie de l'animal (indoor/outdoor).
Ces recommandations valent pour la grande majorité des chats. Les AMM (Autorisation de mise sur le marché) sont accordées uniquement pour les animaux en bonne santé, avec des réserves concernant leurs conditions d'utilisation chez la femelle gestante ou allaitante.
- Les femelles reproductrices
Les femelles reproductrices dont le statut vaccinal n'est pas en règle ou qui ont des antécédents d'infection par
les virus respiratoires (Calicivirus et Herpesvirus félin de type 1) doivent faire l'objet d'un rappel avant toute
gestation, afin d'optimiser le taux d'anticorps transférés aux chatons.
La vaccination n'est pas recommandée chez la femelle gestante. Cependant, dans certaines situations (infections
respiratoires endémiques), on peut être amené à mettre en balance les avantages d'une vaccination par rapport aux
risques tératogènes ou toxiques pour la femelle; si l'avantage de la vaccination est indéniable, le groupe
consultatif de l'AAFP et l'ABCD recommandent les vaccins à agents inactivés.
La vaccination est déconseillée également chez la femelle allaitante, en raison du stress qu'elle peut déclencher
et de ses répercussions sur la lactation. Elle peut être indiquée en cas de balance avantages/risques favorable,
notamment dans les refuges.
- Les chats porteurs de maladies
L'AAFP et l'ABCD recommandent la vaccination des chats porteurs de maladies chroniques non évolutives (maladie
rénale, diabète, hyperthyroïdie) si l'animal présente des facteurs de risque. Ils la déconseillent chez les sujets
atteints de pathologies aigües, sauf dans les cas où là encore la balance bénéfices/risques est en sa faveur
(refuge, chatterie à forte densité de population).
Le comité consultatif de l'AAFP et l'ABCD recommandent les vaccins essentiels (calicivirose, rhinotrachéite,
panleucopénie, rage) chez les chats atteints de leucose féline, même si le niveau de protection ne sera pas
optimal.
Pour les chat FeLV positifs, la vaccination contre la leucose n'est pas indiquée (ABCD).
Les mêmes recommandations valent pour les individus infectés par le FIV (sida du chat), sauf en phase terminale
d'immunodépression sévère; les études expérimentales montrent que la réponse immune est suffisante, même si elle
est diminuée ou retardée. La préférence va aux vaccins à agents inactivés.
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